Textes
Entremêlées (2024)
Cette grande vannerie
De fabrication millénaire
Une fibre, un lien solide
Un million d'histoires inachevées
Les chemins non-linéaires de nos vies
Des joies et des peines
en constellation de complexité
Ferme les yeux,
Sens la texture sous tes doigts,
et souviens-toi:
Nos destinées sont entremêlées.
Fragments de poèmes mésolithiques
* * *
L'entrechoc (2024)
Sur cette terre, un conflit
L'entrechoc des contraires
L'étincelle des matières
L'entrelac de nos frontières
L'étreinte des jeux d'eau, d'air et de lumière
Viens sous le plafond de sauge
Avec moi
Nous y parlerons la même langue
Fragments de poèmes mésolithiques
* * *
L'ère du bois (2024)
À travers les arbres parallèles
Les illusions, le peuple des trompe-l'oeil
Qui pousse à même le chant des oiseaux
''D'aubépine sont piquées,
De sorbier colorées,
De dragonnier embrasées,
De saule tressées,
De lilas sculptées,
De mélèze parées,
De bouleau sont contées,
Nos somptueuses inventions.''
(Et rien n'est plus confortable
Que cette vie de bois)
Fragments de poèmes mésolithiques
* * *
Interreliées (2024)
Nous sommes sensibles au
moindre son dans les herbes.
...
Les fleurs et les écorces marquent
leur maison parfumée, carte du
ciel couchée sur terre, que nous
naviguons, radeau des senteurs.
...
Mon enfant, tu as vu
la pluie sur la lumière.
...
La divinité effleure de tous ses
sens les plus beaux moments de
nos vies. Ces souvenirs, carte du
temps t'abrillant de douceur,
t'aideront dans ta survie. Car
toutes les forces de l'Univers
s'y retrouvent, interreliées.
Fragments de poèmes mésolithiques
* * *
Statue: Éléphant (2024)
Toi
Je te reconnais
Ton nom résonne dans la Terre
Vous
Vous m'avez élevé libre
Notre âme, la horde, parcours les cieux
sans heurts
Nous
Nous honorons le passé
Votre présent sera notre avenir
chers ancêtres
Moi
Je suis en vie
Mon chant fait s'agenouiller le silence
* * *
Postures enneigées (2023)
Ode aux postures assumées.
Ode à la résilience des braves.
À celleux qui aiment,
claires-obscures dans le froid du temps,
floconé-es de fragile sagesse
tombée délicatement,
immuables,
en attendant la prochaine neige.
* * *
Jardins de boue et musiques d'argile (2023)
Toujours le même geste, jamais le même résultat
Nature transfigurée, reconstruite
Et lentement le geste évolue
Détruire, transfigurer, reconstruire.
…
Va-et-vient de la nature, comme la vague
Et quand la marée est assez basse
D'étranges fleurs apparaissent.
Ces humains de la nouvelle pierre
Émergent, frappent, fouinent, fouillent et façonnent
Ô Terre, tu engendres d'étranges fleurs
De roc, de boue, de cuivre, d'argile,
D'arbres morts par milliers
Ô Terre, l'éclat de ta misère est orné
des monuments, des rues, des corridors, des murs,
des flutes, des luths et des jarres résonnantes.
Grand rassemblement animal
Idées de torchis, relations de briques
Ancêtres au crâne coloré sous le plancher.
Enterrer le sacré pour qu'il ne s'envole pas.
Jeu du très beau et du très laid en même temps
Relation entre l'asymétrie et la symétrie,
comme une musique qui pousse dans la boue.
Architecture cérébrale, notre monument, notre espace.
Des centaines de millénaires transfigurée, reconstruite.
Qui maintenant éclate.
…
Étrange fleur de la marée
Ô Sérénité
Communauté de toutes les émotions
troglodytes, émancipées, libres.
Ô crane-cité démocratique,
notre architecture, notre commune humanité,
la Commune, la Couleur, la Cité.
La lente discussion, toutes n'y obtiennent pas
la satisfaction de leurs désirs.
Toutes y sont peintes, décorées, honorées.
Disent-elles: ''On ne peut séparer les couleurs de plaisir et de douleur,
provenant de la même fleur, fleur-capacité de s'émouvoir, de se mouvoir avec sens.''
…
Toujours la même parole, jamais le même résultat
Détruire, transfigurer, reconstruire
Jardins de boue et musiques d'argile
Inventer un sacré parmi nous
Vitrification!
Brûler le sacré pour danser sur ses cendres!
Était-ce un accident? Avons-nous trébuché, mis un pieds de secours puis accéléré pour ne pas tomber?
Était-ce une erreur?
* * *
Architectures animales (2023)
Émergence des volontés du printemps
Deux cieux embrassent l'aire des possibles
Creusant l'ouvrage ou flairant la volupté
Espaces.
Pays serti des moments agiles,
Sonne le dédale des galleries, tanières et toiles,
Scintille la rosée des villages de paille, la bouche humide des arbres,
Fait résonner les corridors de coquillages et de cocons!
Transmet-moi la langue des cités de sable,
le chant des forteresses d'argile.
Guide-moi, gracile,
à travers la forêt des monuments fragiles.
* * *
Ce qui est fixé dans la terre (2023)
Au-delà
de l'Hypogée.
Grimpe l'escalier
en tronçons de mou.
Sur le palier de racines,
arc-boutant bienveillant.
À l'étage,
rencontre en alcove.
La paix des yeux.
Les bras courbés vers les ogives,
des racines aux corniches,
on sent l'appel du toit.
Inflorescence!
Ce qui est fixé dans la terre,
Sempervirent!
Architecture des millénaires.
Le vivant habite le vivant qui habite le vivant.
Le rassemblement des ces êtres forme des lieux.
Oeuvres disparates habitables.
Le réel habite le réel qui habite le réel.
Une musique qui se compose lentement, comme un jardin, qu'on regarde pousser. Lentement.
Apposer son sceau par le son sur le vent et le mouvement impassible des graminées paisibles.
* * *
Émotions végétales (2023)
Je ressens donc je nomme?
Ou
Je nomme donc je ressens?
Un velours
Enveloppant
Une boule de fer
Ce qui met les plantes en mouvement
De lumière l'une, de lumière l'autre
Je ressens le soleil, ou deviens lui
Je chante les hyphes, des chants de guerre chimique ou d'humide amour,
de noble et douce amitié et du miroir des eaux en face qui nous aident à devenir.
Mon visage est un livre ouvert sur le fonctionnement du réel. Je le ressens, je réagis et il devient moi.
Je deviens lui, à profusion, sous les braises ou les larmes, rayonnant ou clair-obsur,
dans les éternels jardins de sable ou les dents glacées des sommets protubérants.
Postures...
À force de ressentir
L'éternité
Nous finirons
Par l'effleurer.
* * *
Ce qui nous met en mouvement (2023)
Briser le motif
Changer la voie de l'eau
Trouver ce qui nous met en mouvement
Chaque instant compte
Rageroche, argilefaire, boisétoile, feuillabri
Coquillaime, plumajoie, forêlarme, ocradieu.
Premières, les matières se combinent
et tendent vers l'infini
Seconds, les instants s'émeuvent
et tendent vers le réel.
Sans l'atteindre.
Rageroche, argilefaire, boisétoile, feuillabri
Coquillaime, plumajoie, forêlarme, ocradieu.
Deux esprits en un seul mot
Sérénité
* * *
Statue: Nyctale (2023)
Ô Lune, j'harmonise ton chant
Ô Nuit, ton coeur éclaire le chemin des arbres
Hélas, mon chant saigne,
Gravité dans l'extrême obscur,
Tristesse de celle qui fauche sans bruit.
Ô Lune, j'harmonise ton chant
Ô Nuit, ton coeur éclaire le chemin des arbres
Hélas, mon coeur baigne
dans le fluide de leurs regards,
Ces yeux fiers qui fuient la mort.
…
Ô Lune, j'harmonise ton chant
Ô Nuit, ton coeur éclaire le chemin des arbres
Ô Proie, je prierai pour toi,
Soleil levé, j'adresserai mes prières à une déesse
qui te passes mille ailes au-dessus de la tête.
Qui que tu sois,
Je sais que tu souffres,
Et je souhaite la vie de ton monde comme du mien.
Hélas, tristesse de celle qui s'envole,
Et voit de haut le silence des morts,
Gravité dans l'extrême obscur,
Volés de leur vie, pour la mienne.
…
Ô Lune, j'harmonise ton chant
Ô Nuit, ton coeur éclaire le chemin des arbres
* * *
Que restera-t-il de notre temple? (2023)
Ô Humains, que restera-t-il de notre temple?
Ô Humains, que restera-t-il de nos esprits alignés?
Gloire au chemin! Gloire au ruissellement des larmes créatives!
Lorsque le terreau est suffisamment fertilisé par nos gouttes de joie, de colère et de tristesse laissées derrière en chemin, nos enfants pourront suivre la route des fleurs vers la clairière.
Au soleil reposé-es, de ce temple herbacé ielles partiront,
frayant leur chemin vers d'autres lieux.
* * *
Chemins vers la clairière (2023)
Chemins vers la clairière - I
Petites créatures des célestes canopées
Qui s'évertuent à célébrer la vertu
du vert gradient des sylvestres tonalités.
Par le feu et la pluie, par la sécheresse
et le suintement des étendues humides,
le courage du renouvellement des êtres
morcelle délicatement mon esprit.
Tout n'a pas été, et ne sera jamais plus,
Tel que lu
Tel que vu
Tel que su
Chemins vers la clairière - II
Créatures assourdies
par la chute des grands arbres.
Nous chantons le deuil des grands êtres,
leur dépouille, leur métamorphose en lieu de fête.
Dans la clairière,
le banquet des grandes créatures
est un banquet de lumière
pour celleux pour qui diversité est nécessité,
pour qui l'oeil de la forêt doit s'ouvrir et se fermer.
La clairière se blottit et s'envole,
absorbée dans le rêve de la canopée.
Chemins vers la clairière - III
Je dors ici.
Canopées protectrices
Douces couvertures en contrepoint
d'ombres délicates
Sanctuaire de calme
Percées de théâtre,
des faisceaux du monde extérieur
derrière les rideaux de brume.
Jeux d'ombres en motifs humides, l'eau à fleur de peau.
Le dos de la tête tapi contre feuille,
je suis trop ébloui par la mosaïque du ciel.
La joue pressée contre terre, contre moite,
les troncs s'élèvent à angle droit vers le sommeil. C'est mieux.
Et toi, ton chemin de racines glissantes, où te mène-t-il?
As-tu où t'abriter?
Chemins vers la clairière - IV
Des diverses façons de faire entrer en relation deux communautés,
des communautés distinctes qui émergent de ces relations.
I -
Écotone en contrepoint de notes contrastées de vert.
Son corps est assuré par des bras solides,
Se mouvant en dialectique d'autorenforcement,
Protégé d'un côté par l'ombre, l'abri et le calme,
et de l'autre par le festoiement du feu, de la lumière, et le banquet des grandes créatures.
Sa communauté est forte de la cohabitation de ses différences.
II -
Mais son corps mouvant et fluide
fait de la perpétuelle tension son chemin,
L'union de ses oppositions étant sa force, et sa fragilité.
Son équilibre acrobatique fait de sa précarité sa danse,
dissonée par les pluies,
la longueur des saisons,
le souffle du chaud, du froid,
et la parade polyphonique des créatures en chemin.
Y regarder de plus près, sa sensibilité révèle
la nature de la Nature.
III -
Ce même état naturel peut générer deux écosystèmes différents, et un troisième en écotone, révèlant la persistance sinueuse des chemins de l'Histoire. Les accidents de l'Histoire influencent, plus que les conditions de base, la réalité des communautés qui s'y meuvent. Ainsi la Terre est en mouvement perpétuel et la causalité des états est d'une fluidité insaisissable.
Tels sont les chemins vers la clairière.
(Une vision artistique, émerveillée et naïve de la magnifique science des écosystèmes)
* * *
Complexité Linguistique (2022)
La turlute des stomates
La langue des bruissements feuillus
L'entrechoc des jeux d'eau, d'air et de lumière
Complexité linguistique
* * *
C'est Lui Qui Scribe Tout (2022)
Vous ne croyez pas si bien dire quand vous dites qu'il n'y pas d'opposition entre nature et spiritualité. Pour être tout à fait candide, l'intimité de coucher une lettre sur papier est pour moi un acte de communion avec les gens qui nous précèdent, de la route des bois, aux tours d'ivoires, aux rivières d'encre.
Et c'est assez troublant de réaliser que tout ce travail d'écriture, ce labeur, qui n'est que du dessin, le dessein matériel de notre for spirituel, est destiné parfois à tomber dans l'oubli ou du moins dans la sourde oreille de la civilisation, elle qui pourtant est le fruit de tous les chants de louanges et de partage.
Mais moi au contraire, je me réjoui, je m'exalte, je me prosterne d'avoir pu être éveillé à tout ce qui m'entoure, absordant le monde avec bien plus d'humanité que la plupart de mes camarades, m'efforçant de leur rendre avec tout mon amour.
Et c'est donc en toute sincérité que j'accepte ces honneurs, et que la société m'ouvre ainsi ses portes et me donne l'opportunité de renverser les préjugés les plus tenaces sur les scribes qui comme moi oeuvrent au bien de la communauté et font preuve de... de l'altruisme, le plus, le plus... le plus désintéressé.
* * *
Poème Néolithique (2022)
Qui s'agenouille
Soleil levé, soleil couché
Pour tendre à la terre
Qui pousse vers le ciel?
Merci aux vallées fluviales
Qui de ses mains meut
Les couleurs du temps, les couleurs des morts
Pour faire miroir sur la pierre
Comme l'eau fait parler le lointain?
Merci aux sagesses dessinantes
Qui de toutes les sagesses sait nous abreuver de lumière
Quand le désarroi et l'angoisse nous assèchent.
Merci aux mémoires-fleuves
Paroles vivantes, récits des vies pareilles aux nôtres
Voies pour le nouveau, voies pour le courage des temps durs.
Que l'avenir soit clément! Mais s'il ne l'est pas,
Que règne le commun de nos différences!
Que règne la géométrie divine de nos esprits alignés!
Et que personne ne meurt de faim à moins que nous en mourrions toutes!
* * *
Statue: Dauphin (2022)
Au centre de la cité des arbres tronait une immense statue plurimillénaire, abandonnée au temps et à l'étreinte des figuiers étrangleurs. Sur cette statue, une inscription qui, si la langue dans laquelle elle était écrite n'était pas morte, se lirait comme suit:
Doublement surprises par la vague,
La fluidité des forces,
La pétrification des êtres
Sur un frêle esquif,
Le passage houleux
de la tristesse à la joie
Sur le lac de la désabsurdification du monde,
Avant que le temps ne prenne fin,
Tari d'idée de la fin du monde.
* * *
Ce qui est dit par la bouche des feuilles (2022)
- Ô feuille!
- Chère feuille!
- Dites la sève qui vous fait penser, là, soleil luisant.
- Goutte, j'ai une très bonne idée, là, doux firmament. Sous le vent, avez-vous remarqué que nous sommes des milliers?
- Certes, j'entends la cacophonie des lueurs de l'aube et les combats de la faim. La lumière est pourtant abondante et le ciel nous abreuve à l'infini.
- Bien. Mais écoutons, en de rares instants quand - le vent ne troublant pas nos pensées, nos voix, le tronc de nos âmes - l'essence de nos bois transforme le chaos en art, la discorde en conversation et le fracas des gouttes de pluie en harmonie rythmique. Nous formons alors un esprit plus vaste que nous-mêmes, pauvres feuilles.
- Et alors, votre idée, quelle est-elle? Je veux la savoir!
-Je crois que je ne suis pas la seule à l'avoir réalisée. Réunissons-nous pour en discuter. Voyons, voyons où cela peut nous mener...
* * *
Ce qui est vu par l’œil de la forêt (2022)
Du grand air au bas tréfond, le réseau des toiles de sa conscience de la saga – l'ahurissante rébellion de vie sur la roche dure de la Terre – voit son bonheur, son malheur et sa raison d'être né. Son mystère enfin percé par le miroir de sa pensée.
Tant de centaines de millions d'années nous contemplent du haut de ses canopées, qui prennent conscience d'être le plus grand être à jamais exister.
''Je me vois, communauté d'écosystèmes éblouissants
théâtre des bourgeons heureux,
mur du sommeil des fleurs,
récits moussus des drames fongiques,
musiques des vents anciens,
statues d'écorces,
parfums des racines amoureuses,
aubier de la mémoire du monde,
fête des fruits féconds,
chorégraphie des feuillages libres.''
Possible immortalité, infinie diversité, la Forêt, l'assemblée paisible du vivant, est enfin créée.
* * *
Aucune certitude d'une quelconque finitude (2020)
Discerner les détails
Lorsque les lignes
Se couchent sur les couleurs
Elles crachent leurs ombres chaotiques
De la montagne au lac, du lac au vent, du vent à l'oeil plissé qui regarde, voir
Aucune certitude d'une quelconque finitude
Ces mélodies apprises sur la route des quenouilles racontent la langue des ancêtres, nos soleils, nos lumières, nos poètes, nos mères et celles et ceux qui ont fait de nous qui nous sommes.
Des êtres de vibrations
Ensemble dans notre solitude,
Au milieu de l'onde,
Comme l'onde est sur le lac,
Dans la multitude et pourtant chacune de son point de départ,
Des natures tracées à même la mathématique de l'eau
Nos ancêtres racontaient qu'il y a avait des milliers de langues sur la Planète. Des milliers de musiques phonétiques. Des milliers de façons de créer du sens. Des milliers de façons de dire presque la même chose, ensemble et pourtant différement, chacune de son point de départ, et avec sa trajectoire propre.
Quelle beauté!
Quel étourdissement!
Aucune, vraiment aucune certitude d'une quelconque finitude!
* * *
Une table sous l'océan (2018)
Préfiguration...
Créer un petit impensable pour prouver l'immense impossible.
Créer le maintenant, ici, tout de suite, sans attendre.
Au fond, sous l'eau,
Tout n'est que fruit océanique,
Fruit mur,
Fruit sec,
Fruit moite,
Fruit pourri,
Fruit juteux,
Fruit bourgeonnant, bougeant, buvant d'anciennes fleurs rouges et noires,
avec de timides épines qui ne veulent pas se laisser faire,
convaincues qu'elles ont raison de piquer,
convaincues qu'il ne faut pas trop piquer, quand même.
Une petite forêt de plumes qui piquent, trempées d'encre, piquées droites sur une table.
Un ciel d'encre à boire debout. Une bouche ouverte. Et une soif à couper l'appétit.
Engloutir l'océan à force de trop vouloir.
...
Pourquoi est-ce que ce serait moins beau que la Lune?
Il y a une joie, il y a un danger, à ce rythme effrené ou frénétique.
Ne pourrais-tu pas transférer ton émerveillement lunaire, ici, sur Terre?
Ici où toute eau n'est que sueur, pleur et océan de fleurs rouges et noires.
Il y a une joie, il y a un danger, à cette abstraction, à cette poésie froide comme la vague.
Je sais que tu t'émerveilles, mais pourquoi ne pourrais-tu pas t'émerveiller de l'émerveillement lui-même? Une fois qu'on a gouté à cet astre, on veut y mettre les pieds maladroitement... les autres rougiront, ému.e.s de notre optimisme sincère.
Engloutir l'océan à force de trop méditer.
* * *
L’étang au pied de la falaise (2018)
I – Lieu de Sérénité
Lieu d’eau en souffle
À peine une larme à la surface
Corps pressé contre sol, contre fleurs,
Repose en soi, dans l’étang
Seul le silence a droit de parole
Et il chante
Et il chante
Et il chante, dans l’étang
II – Les temps d’essoufflements
Au-delà,
En des lieux hors de l’étang,
Hors des temps,
Le silence s’est tu
Est-il mort?
Machines et blocs de roches s’entrechoquent
Le Capital a droit de parole
Et il parle
Et il parle
Et il parle
De ses diphtongues métalliques,
De ses phonèmes génériques,
Il parle du temps qui tombe
Comme marchandise au soleil
Temps-étang transformé en temps-scintillant
Temps-luminosité
Temps-argent
Et il parle
Fi ! du Sommeil
Fi ! du Songe
Fi ! du Souffle de la Nuit
III – Du haut de l’improbable falaise
Ici, temps d’être à toute chose
Et de ne plus rien dire
Du haut de l’improbable falaise
Qui monte à l’infini vers le ciel
Au sommet,
Souffle d’eau en fleur,
Pressé contre soi,
Contre cœur
Seul le Silence
Entends
Entends
Entends
* * *
L’étang sur le bord de la falaise (2017)
L’étang sur le bord de la falaise.
Un liquide fumant est versé dans les coupes. Ses vapeurs m’endorment. Les ombrages et les lumières me nappent d’une fine bruine de fatigue. Les bruissements festifs de mes ami.e.s me chatouillent les oreilles. Enivrante, cette histoire racontée à l’autre bout de la table… mais je ne l’écoute pas. Je m’endors.
De toute façon je la connais déjà. Les grands mangeant les petits ! Vieille histoire… temps d’êtres à toutes choses et temps de redire bouche sèche ce qui fut dit et pourtant ne change pas, n’agit pas, ne fléchit ni ne réfléchit… que les grands ne sont que des petits qui ont trop mangé !
Temps d’être à toute chose, et de ne plus rien dire. J’ai assez dit, assez parlé. Il me semble que tout ce que je dis a déjà été dit mille fois… je vais donc me coucher et dormir.
Le tourbillon onirique m’emporte. Je rêve aux riches qui mangent les pauvres, à des univers qui s’entredévorent, des lieux pleins de couleurs, des paysages étranges. Je suis arrivé au bout de ce qui existe, j’en suis convaincu. L’étang sur le bord de la falaise. Une falaise s’étendant jusqu’à l’infini vers le ciel. Derrière moi une forêt, tout ce qui tient lieu d’existence. Les deux pieds dans la vase de l’étang, les roseaux me chatouillent les jambes. Le bout de mes doigts est incandescent mais je n’ai pas mal, la chaleur provient de l’intérieur de moi, ou plutôt est produite par moi.
Puis le rêve a changé, je ne me rappelle plus…
* * *
Révolutions en forme de rivière (2016)
I – méditation :
Sachons les histoires des corps.
De coulantes modestes rivières,
de barques, d’envolées d’oiseaux.
À flots, à rames, à nage.
À respiration égale,
Nous arriverons toutes et tous ensembles.
II – Luttes!
Sachons le cœur des idées,
palpitantes et saignantes de souffrance d’autrui
De quoi, de qui, de comment,
du pourquoi des rivières de sueurs,
des rivières de pleurs, des rivières d’espoir.
À armes égales,
nous n’en viendrons jamais à bout.
III – (jeu)
La rivière rencontre ses semblables
au milieu de la nuit sèche.
Ramifications, arborescences tortueuses,
grand labyrinthe nommé jeu,
nommé lumière, nommé danse.
À force de chanter de l’eau,
nous pleuverons ces révolutions.
* * *
Communautés des Canopées Libres (2016)
Petites créatures minuscules
Petites créatures des célestes canopées
Le regard d’une communauté translucide
me transperce délicieusement le cœur
Je tombe du haut des grands arbres,
qui abritent nos cités sylvestres,
d’amour vert comme la forêt immense,
de la feuille, de l’être qui me rattrape,
in extremis,
in extremis,
in extremis.
* * *
Petits dessins et pelleteux de mirages (2015)
Impressions d’un coucher de sommeil.
Deux lunes me regardent l’air impossible.
L’architecture comme vivant et le vivant comme architecture.
Du corps.
Corridors pendant dix-sept couleurs et dix-sept nuits.
L’univers est grand, aussi invraisemblable que cela puisse être vraisemblable,
mais j’ai trouvé où le sommeil se couche :
Sur le doux sérieux de ta page aux dix-sept portes rigolantes.
Sous l’étang, après le rêve, premier soupir à gauche.
Sous l’étrange, après le rêve, premier sourire à gauche.
Sous le temps, après le rêve, premier fou rire à gauche.